samedi 14 avril 2012

La littérature gothique


Il existe un genre littéraire fort méconnu que je tiens  à dépoussiérer. Sortons les vieux manuscrits de la cave pour les sauver de l’oubli et apprenons à apprécier une lecture nouvelle pour notre monde mais qui remonte aux XVIII° et XIX° siècles. Optons pour la littérature gothique! 


Les historiens attribuent l’origine du roman gothique à un aristocrate membre du parlement anglais. J’ai nommé Sir Horace Walpole (1717-1797).







Cet homme érudit et épicurien devant l’éternel aurait fait un parfait compagnon pour notre cher Marquis de Sade! Ce noble résidait dans une demeure-musée consacrée exclusivement à la passion de son habitant : les œuvres médiévales. Le libertinage était le pêché mignon de cet homme de lettre avec l’architecture gothique. Le temps passé à des plaisirs variés est sans doute à l’origine de la pauvreté bibliographique de Walpole. En effet, en 1764, « Le château d’Otrante » voit le jour.









 Le seul et unique roman de cet auteur !  Mais cette parution est une double naissance. Le monde peut enfin apprécier l’art et le travail de notre aristocrate anglais qui sans le savoir est à l’origine d’un genre littéraire, le roman gothique !


L’architecture gothique sous diverses formes sert de décors aux intriques qui me sont chers. L’histoire de chaque roman prend vie ainsi dans un milieu aux frontières du naturel. L’espace temps semble lui-même modifié par ces éléments d’un autre âge. Les volumes des lieux clos du moyen-âge renforcent et exacerbent les sentiments. Les dédales de couloir, les pièces sombres et basses, les cachots, les statues aux allures inquiétantes sont autant d’appel à l’obscurantisme du moyen-âge pour plonger le lecteur dans un monde fantastique et horrifiant. Tout peut arriver en ces lieux où le fanatisme et la folie peuvent germer partout et nulle part à la fois.


 Le roman gothique voit le jour dans les pays anglo-saxons qui prônent un retour en force vers les valeurs du passé et leur respect. Les ruines historiques, lieux des conflits entre protestants et catholiques, ne manquent pas. Leur caractère emblématique n’est plus à démontrer. Les cimetières sortent des villes. La mort rejoint les campagnes et en même temps les ruines d’un passé. Tout est réuni pour transcender nos fantasmes. Le roman gothique se sert de ses ruines d’églises ou d’abbayes et les mêle aux vestiges du passé en général, du moyen âge en particulier. La mort devient esthétique dans son joli coffret de ruines. Nous lions ici deux thèmes incontournables de la littérature gothique.









Lire un roman gothique est éprouvant pour une âme sensible. La lenteur volontaire des histoires permet à notre imagination de se promener seule dans ces décors chargés d’histoires. Je précise même que la lecture nous plonge dans un monde irréel que nous ne contrôlons pas. Nous marchons au pas des héros, nous arpentons les mêmes lieux inquiétants. Le caractère solennel des ambiances fait de notre errance une épreuve. Nous faisons face à une intrigue qui n’apporte que malaise. Notre fascination pour les acteurs de l’histoire nous amène à de la compassion aussi bien pour le camp du bien que celui du mal. L’approche déroutante des histoires nous fait toucher du doigt la matière même du roman gothique. Le fort pouvoir de suggestion de cette mouvance littéraire est à l’origine par exemple pour de nombreux critiques du courant fantastique et aussi du romantisme. On parlera alors d’esthétique gothique.
 La diffusion du roman de Walpole fut une révélation pour la créativité romanesque, une révolution même. Les limites de l’imagination ont volé en éclats. L’horreur fait à présent partie intégrante d’une intrigue, voire devient sa finalité. Les romanciers n’ont plus peur de sortir des sentiers battus. Les idées les plus extravagantes prennent vie avec pour principe la mise en valeur de l’honneur et de la passion au détriment de la raison. Une saveur de romans chevaleresques moyenâgeux vient flatter nos sens pour notre plus grand plaisir. Face à une société qui se veut de plus en rationnelle, le fort pouvoir de suggestions des romans gothiques touche personnellement chaque lecteur  mais aussi notre inconscient collectif. Qui ne connaît pas Dracula, le docteur Jeckyll, Carmilla ou encore  Frankestein ? Des personnages de fictions ont dépassé le cadre de la littérature et sont devenues des mythes à part entière et se mélangent à notre histoire. Je suis navré pour les bien pensants qui rejettent notre culture à un rang de mouvement  mineur, nos bases littéraires sont des sources d’évasion et de créativité qui rejaillissent sur de nombreuses mouvances culturelles contemporaines.


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