mardi 10 avril 2012

La Hammer


Au début du XX° siècle, il y eut une dévalorisation du terme gothique dans l’art cinématographie. Pour en comprendre les raisons, il est nécessaire de remonter à l’origine même du mot. La définition de ce dernier a ses origines sur notre bon vieux continent européen. Il était donc tout à fait inconcevable pour les habitants du nouveau monde de développer le cinéma à grande échelle et d’y associer un qualificatif utilisé par leurs ancêtres. Les producteurs de Californie, devenus hollywoodiens, dévalisèrent rapidement le répertoire de la littérature gothique pour alimenter les scénarios d’un nouveau genre de film. La classification de « film d’horreur » est née.











Les films américains d’horreurs de la première partie du XX° siècle avaient une mauvaise image et furent rapidement associés à une catégorie que nous qualifions de nos jours de série B. Il faudra attendre le retour du film d’horreur sur le vieux continent et plus particulièrement en Angleterre pour qu’il reprennent ses lettres de noblesse. Pendant plus de vingt ans, dès les années cinquante, les cinéphiles voient apparaître dans les salles sombres les films des studios Hammer. Les critiques rejettent toujours ces nouvelles productions pour eux trop hideuses et noires. Mais la critique était et sera toujours la critique. Tous ces avis peu flatteurs n’ont pas empêché l’éclosion de grands talents. Les productions britanniques de la Hammer ont permis au monde d’apprécier la grandeur du talent de Christopher Lee. Le plus grand rôle de ce dernier et celui qui l’a rendu célèbre est le personnage du comte Dracula. Le passionné de fantastique peut à présent oublier l’horreur version Hollywood et se plonger dans une atmosphère de contes de fées et de fantasmes propre aux productions hammeriennes.


On a souvent présenté les petits studios britanniques comme produisant des films au budget mineur et à la réalisation plus qu’approximative. En vérité, ces critiques venaient les studios américains qui avaient pris conscience de la concurrence anglaise. Mais l’histoire ne retiendra qu’une chose : le premier film gothique en couleur est anglais. 





En 1957, la Hammer sort « Frankestein s’est échappé » et devient le leader mondial du film d’horreur historique. Elle fait aussi naître deux stars qui concurrencent directement Vincent Price de l’American International Pictures : Peter Cushing et Christopher Lee. En 1958 « Le Cauchemar de Dracula » vient aussitôt confirmer cette position. Peter Cushing abandonne le rôle du docteur Frankestein pour celui de Van Helsing et Chistopher Lee celui de la créature pour le célèbre Comte Dracula. Le rôle du comte correspondait parfaitement à Lee. Descendant de l’une des plus prestigieuses familles de Rome, Lee, du haut de ses presque deux mètres, imposait le respect dans toute situation par sa parfaite courtoisie et sa splendide voix grave. 





A une époque ou un acteur anglais portait un chapeau melon, les caractéristiques physiques de Christopher Lee le poussèrent vers une carrière de « Méchant ». Mais son charisme et son charme sépulcral firent de lui rapidement un sex-symbol. La popularité de Lee ne faisait que grandir, mais rapidement un conflit éclata entre l’acteur et la Hammer. En quête de fantastique et de nouveauté, les producteurs anglais de films vampiriques faisaient de plus en plus d’infidélités en général aux romans gothiques et en particulier à « Dracula »  de Stoker. Christopher Lee de son côté voulait respecter l’œuvre irlandaise du siècle dernier et pense toujours être le seul acteur à avoir interprété Dracula à l’écran dans le respect des écrits de Stoker. Christopher Lee abandonna le rôle de Dracula en 1960 pour le grand bonheur de David Peel pour « Les Maîtresses de Dracula »





De son côté, Peter Cushing n’a jamais cherché à fuir ce type de rôle. Il tourna cinq films sur Frankestein avec la Hammer et retrouva avec plaisir Lee en 1959 pour « La malédiction des pharaons ». Pendant sept ans, la Hammer se plongea dans de nouveaux thèmes. En 1960, « Les deux visages du Docteur Jekyll » mit en valeur le célèbre roman et même le loup-garou en 1961 eut son heure de gloire dans « La Nuit du loup-garou ». Quelques créations originales suivirent mais les budgets n’étaient plus présents («  Fantôme de l’opéra » en 1962 « La Gorgone » en 1964 et « La femme Reptile » en 1966). Heureusement pour la Hammer, Lee accepta à nouveau le rôle de Dracula en 1966 et enchaîna six films. Les productions reprirent mais la crise était déjà là. La raison financière va prendre le dessus sur la passion du fantastique.





Pendant près de vingt ans, les fans de monstres ont eu tout le loisir de se rassasier. Face à une modernité souvent mal vécue, les œuvres de la Hammer ont plongé leurs fans dans un univers mythique, romantique mais aussi horrible. Les angoisses et l’anxiété suivaient le cinéphile tout au long d’un film fait par la Hammer. Mais les nouvelles générations cherchaient à présent autre chose. Dans un dernier sursaut, la Hammer s’attaqua au roman « Carmilla » de Le Fanu. Les salles obscures affichèrent rapidement trois films sur une nouvelle tendance, la femme vampire (« The Vampire Lovers » en 1970, « Lust for a Vampire » et «  Les sévices de Dracula » en 1971). La séductrice morte-vivante a l’écran a un nom : Ingrid Pitt. Elle a été la plus grande prédatrices des productions anglaises. Lee avait été un cruel tueur, Pitt étaient sa digne concurrente. Dans « Bedside Companion for Vampire Lovers », elle joua le rôle d’Elisabeth Bathory, célèbre dans l’histoire pour ses six cents petites filles tuées pour leur sang. 





Différentes actrices ont incarné de crédibles mortes-vivantes. La femme n’était plus une victime dans les films de le Hammer mais une prédatrice. Faut-il y voir un lien avec la libération de la femme ? Mais l’âge d’or de la Hammer était déjà loin. L’exotisme apporté par les plantureuses actrices ne releva pas les studios. Les financements et les partenariats se firent de plus en plus rares. Il était temps à présent de baisser le rideau.





De son vivant la Hammer a subi les affres de la critiques. De ses cendres naissent des passions et des cultes. Tim Burton a même dédié son film “Sleepy Hollow” aux anciennes productions britanniques. Le catalogue de films a d’ailleurs été racheté en 2000 par  Terry Ilott et Peter Naish. Toutes ces productions ont à présent un statut de film culte. Ses fans couvrent toute la planète et la réédition de la majeure partie de ces chefs-d’œuvre en DVD va faire renaître la passion pour l’horreur version gothique.








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